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24 août 2013 6 24 /08 /août /2013 17:42

Publié dans l'Humanité Dimanche (22/28 août)

Pas facile de rendre visite en ce moment à Vincent Beretti. Ce jeune homme chaleureux de 32 ans n’a pas beaucoup de temps à consacrer aux visiteurs. Il surveille les pluies annoncées et son foin à rentrer, prépare le transfert de ses vaches vers le Cuscione : une vaste étendue de pozzines (trous d’eau reliés par des canaux naturels) et de pâturages au dessus de Quenza, où elles resteront jusqu’à la mi octobre. Il lui faut aussi alimenter et surveiller ses cochons. De longues heures, pour un travail dur. Très dur.

A Zonza, Vincent a sa méthode. Mais chaque vallée affiche son propre savoir-faire. Traditionnellement, la charcuterie se fabrique partout en Corse mais seulement dans les régions d’altitude moyenne au sein des biotopes de chênes verts et de châtaigniers. Dans ces micros régions, à chaque vallée son originalité. Certaines charcuteries présentent de grandes variations d’ingrédients, de techniques, de mise en œuvre d’un village à l’autre. Ces différences sont particulièrement sensibles entre la Corse du nord et la Corse du sud : aussi bien dans les ingrédients que dans les variations de temps de fumage.

« Venez vers 9 heures, il ne fera pas encore trop chaud ». Le domaine agricole de Vincent Beretti court sur 90 hectares à proximité de Zonza (Corse du Sud) au carrefour de l’Alta Rocca pas très loin de l’hippodrome le plus haut d’Europe et de la perle de la montagne, les aiguilles de Bavella.

Au milieu du domaine, en grimpant raide, voici la chapelle Santa Barba qui accueille chaque année deux processions en février et en décembre. Un peu plus loin plusieurs dizaines de cochons en liberté ne nous prêtent aucune attention. Soudain, Vincent lance un long cri et commence à vider le sac de maïs. C’est la ruée. Les cochons corses – les vrais – sont de race « nustrale » et leur propriétaire n’est pas peu fière de nous les présenter et de se féliciter qu’enfin l’appellation d’origine contrôlée (AOC) ait été accordée au cochon corse. Pour cela, « il a fallu batailler » et le président des jeunes agriculteurs de Sartène, Alta Rocca et Valinco précise que le vrai cochon corse représente seulement 8% de la charcuterie corse. « On ne fait pas de la charcuterie corse avec un âne venu du Brésil ou du porc breton », soupire Vincent qui prépare son futur atelier de transformation pour produire dans un proche avenir.

La traçabilité était une revendication des petits éleveurs qui ont remporté une grande victoire. La Corse est la première région à bénéficier de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) de charcuterie sèche, la reconnaissance de la race porcu nustrale datant de 2005.

L’étiquette AOC, c’est d’abord une véritable traçabilité pour le consommateur et le début de la fin d’une hérésie. Celle qui consiste à faire venir des carcasses de porc des quatre coins de l’Europe de l’Est et d’ailleurs. Avant d’estampiller « charcuterie corse » du travail de cochon, ironisait récemment « Corse Matin ». Les centaines de milliers de touristes qui débarquent chaque année dans l’île ne peuvent prétendre manger de la véritable charcuterie corse. Impossible de répondre à la demande. Ils ont droit pourtant qu’on leur précise : « Le porc vient d’ailleurs mais nous le transformons, selon nos propres méthodes ».

Il ne faut pas mélanger les genres. Il y a le haut de gamme fait d’histoire, de nature, de temps, de tradition, d’alimentation et l’industriel. La différence saute au palais. Le prix aussi. Le travail, le temps passé, la maîtrise du savoir-faire font la différence. Cela se remarque à la présentation de la note.

Désormais, la Corse vise l’Europe puisque la charcuterie décrochera bientôt le label continental d’origine protégée (AOP). Ce jour là, les éleveurs du véritable porc corse feront sauter le bouchon de la bouteille d’un des meilleurs vins de la région de Sartène. En sortant de la réserve un jambon ou un saucisson à baver de plaisir.

Qu’exige le cochon corse ? Avant tout la liberté. Que demande-t-il ? Une nourriture de qualité fait de glands, de châtaignes, d’herbe. 45 jours avant l’abatage et pendant toute la période de finition, il sera interdit de maïs et aura droit à un peu d’orge complémentaire. L’organisation du travail ne relève pas du n’importe quoi. La règle, c’est la répartition des tâches en deux catégories : les éleveurs qui fournissent les reproducteurs et les engraisseurs et transformateurs.

Le porc ne peut être tué avant l’âge de douze mois. Un peu plus vieux mais pas trop, il donnera une charcuterie exceptionnelle. Lorsque Vincent aura obtenu tous les agréments, il enverra ses cochons à l’abattoir, les récupérera découpés et se chargera lui même de la transformation et de l’affinage. Il perpétue ainsi une production ancestrale des régions corses de l’intérieur. Autrefois, c’était une production vivrière qui permettait de consommer de la viande de porc en été en utilisant le salage comme technique de conservation. C’est devenu aujourd’hui un produit du patrimoine, au même titre que les paysages ou les chants corses traditionnels.

Les porcs corses sont élevés en plein air et valorisent ainsi les ressources naturelles du milieu montagneux. Cette race nustrale, grâce à ses qualités génétiques de gras, son alimentation naturelle et sa finition à la châtaigne et aux glands de chênes, procure une matière première incomparable pour une fabrication charcutière de grande qualité. La fabrication est réalisée sans additif autre que le sel et le poivre. Les méthodes traditionnelles de séchage et d’affinage, long et précis, confèrent à cette charcuterie les qualités qui on fait sa renommée. Son goût, sa texture, la couleur des jambons sont bien différents des autres.

C’est cette tradition que Vincent Berreti tente de perpétuer. Lui et ses amis producteurs symbolisent le courage, l’intelligence et les connaissances des jeunes corses engagés dans la diversification de l’économie insulaire et dans le respect de la qualité des productions. A l’opposé des clichés et des légendes, l’Ile de Beauté c’est aussi et surtout cela.

José Fort

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24 août 2013 6 24 /08 /août /2013 10:36

L’escalade autour du conflit syrien fait craindre le pire. Que l’on me comprenne bien : le régime en place à Damas n’est pas ma tasse de thé. Les forces talibanesques n’ont plus. Mais ce qui se prépare au milieu d’une vaste campagne d’intoxication risque de plonger toute la région et au delà dans la guerre. On savait déjà que des commandos encadrés par les services spéciaux US, israéliens, français et britanniques étaient positionnés dans la banlieue de Damas. On apprend que des navires de guerre US arrivent à proximité des côtes syriennes et on entend les va-t’en guerre en France comme Laurent Fabius annoncer à mots couverts une intervention militaire et Alain Juppé préciser que nous serions face à une situation « hors normes internationales ».

Comment va réagir Moscou ? On ne peut exclure que des bâtiments russes soient envoyés aussi sur zone. D’escalade en escalade, de discours enflammés en déclarations irresponsables, le monde peut se retrouver dans une situation de guerre avec de terribles conséquences. Il n’y a pas d’autre solution, que la négociation politique. Le reste n’est que provocation et intoxication.

José Fort

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23 août 2013 5 23 /08 /août /2013 16:49

Un entretien publié dans "l'Humanité" en 2004. Luis Royo-Ibanez nous a quittés.

Survivant espagnol de la division Leclerc, Luis Royo-Ibanez, quatre-vingt-trois ans, raconte son épopée à bord d'un Half-Track baptisé Madrid.

Est-ce un hasard si Luis Royo-Ibanez vit près de l'avenue du Général-Leclerc, à Cachan dans le Val-de-Marne ? Le dernier survivant espagnol de la 9e compagnie de la division Leclerc qui participa à la libération de Paris à bord d'un Half-Track baptisé " Madrid ", en mémoire de la bataille contre les troupes franquistes autour de la capitale espagnole, porte bien ses quatre-vingt-trois ans. Ce Catalan engagé à l'âge de dix-sept ans dans l'armée républicaine raconte son parcours, de Madrid à Agde dans l'Hérault, de Marseille à Oran, du Maroc au pays de Galles, de Omaha Beach à Paris, jusqu'à sa blessure dans les Vosges. Ses camarades de combats, le général Leclerc, sa joie d'entrer dans Paris, le défilé sur les Champs-Élysées, les femmes tondues, les FFI, Luis Royo-Ibanez témoigne d'une épopée hors du commun.

Vous êtes un des premiers soldats de la division Leclerc qui, il y a soixante ans, ont participé à la libération de Paris. Au moment de la célébration de cet anniversaire, à quoi pensez-vous d'abord ?

Luis Royo-Ibanez. D'abord ? À mes dix camarades du Half-Track " Madrid " que je conduisais. Ils ont tous disparu. Je pense à mon chef de section Moreno, à ces dix Espagnols anarchistes, socialistes, républicains, vaincus par les franquistes soutenus par les nazis et les fascistes italiens. Lorsque l'ordre nous a été donné par Leclerc de " foncer sur Paris ", nous étions ivres de joie et de bonheur. Nous allions participer, aux premières loges, à la libération de Paris, nous allions chasser les Allemands et surtout prendre notre revanche sur ceux qui avaient assassiné la République espagnole que nous défendions à l'époque avec des tromblons datant de la guerre 1914-1918. En débarquant en France, en combattant dans l'Orne, en pénétrant dans la capitale de la France, nous disposions d'un armement américain moderne. Je pense à mon Half-Track " Madrid ", à sa vitesse, à sa puissance de feu. Nous étions déterminés, bien armés et entraînés, bien commandés, bien guidés par les FFI. Les Allemands n'avaient, cette fois, qu'à bien se tenir.

Vous avez débarqué à Omaha Beach le 1er août 1944. Saviez-vous que l'objectif était Paris ?

Luis Royo-Ibanez. Absolument pas. Nous avons combattu d'abord dans l'Orne, où a eu lieu la première rencontre avec la résistance chargée de nous renseigner. C'est un FFI espagnol qui nous a ouvert le chemin jusqu'à Alençon puis à Écouche. Dans cette ville nous avons libéré des aviateurs américains et nous avons eu nos premiers morts. Il a fallu attendre la relève (des Polonais) avant d'entendre l'ordre : " Objectif Paris ". Une des chenilles de mon Half-Track avait été touchée pendant les combats. Nous avons effectué une réparation de fortune avant de parcourir en une journée environ 200 kilomètres, pour une première halte près d'Arpajon. Pendant une inspection, Leclerc a repéré l'état de la chenille et nous a dit : " Il faut réparer. " Nous étions si pressés que nous lui avons répondu : " Elle a tenu deux cents kilomètres, elle tiendra jusqu'à Paris. " Le général a haussé le ton. Trois heures après et avec une chenille neuve, direction Antony. Les habitants sortaient des maisons, surtout les femmes, nous félicitaient, nous embrassaient alors même que les Allemands bombardaient toujours le coin. C'était bien agréable, très agréable, mais dangereux.

Comment s'est déroulée votre entrée dans Paris ?

Luis Royo-Ibanez. Par la porte d'Orléans, et toujours guidés par les FFI car nous ne disposions d'aucun plan et ne connaissions pas la route. Avec un premier objectif : l'école militaire. Là, nous avons été accueillis par des tirs nourris provenant des maisons entourant les Invalides. Ce n'étaient pas les Allemands mais la milice française. Une fois cette poche éliminée, nous avons reçu l'ordre de rejoindre l'Hôtel de Ville, toujours en compagnie des FFI. Il y avait beaucoup de monde. Le Half-Track " Madrid " a pris position devant la porte centrale. Imaginez notre joie et notre fierté. Pourtant, un événement nous a choqués. Plusieurs individus ont entraîné des femmes pour les tondre sur la place. Un spectacle insupportable, qui en rappelait d'autres : les troupes franquistes pratiquaient de la même manière en Espagne. Nous les avons dispersés en leur disant : " Vous voulez en découdre ? Alors prenez les armes, partez sur le front, combattez les Allemands et laissez ces femmes tranquilles. " Ils ont quitté les lieux. Je sais qu'ils ont continué un peu plus loin leur sinistre besogne. Nous avons demandé à nos officiers d'informer Leclerc.

Vous affirmez avoir été " bien commandés ". Quel souvenir gardez-vous du général Leclerc, un aristocrate qui disait de vous : " Je commande une troupe de rouges, mais quel courage. " ?

Luis Royo-Ibanez. Leclerc n'était pas un général français. C'était un véritable général républicain espagnol, comme ceux qui nous commandaient pendant la guerre contre les franquistes. Je vous explique. Leclerc était intelligent, courageux et d'une grande simplicité. Il exigeait et obtenait une discipline rigoureuse avant et pendant les combats. Après, il redevenait un homme parmi les autres, une attitude peu courante chez les officiers supérieurs français. Nous avions pour Leclerc un immense respect et beaucoup d'affection.

Après la libération de Paris, vous avez poursuivi le combat.

Luis Royo-Ibanez. J'ai participé au premier défilé sur les Champs-Élysées. Puis nous avons pris la route de Troyes, Chaumont, Vittel. J'ai été blessé un peu plus tard dans les Vosges. Après avoir été soigné sur place, j'ai été rapatrié par avion à Oxford avant de revenir en convalescence en France, à l'hôpital de Saint-Germain. J'ai été démobilisé en 1945. Je croyais, à l'époque, que Franco et Madrid seraient nos prochains objectifs. Vous savez ce qu'il est advenu.

C'est en Espagne que vous avez combattu pour la première fois. Comment avez-vous rejoint plus tard la division Leclerc ?

Luis Royo-Ibanez. En 1938, à dix-sept ans, je me suis engagé dans l'armée républicaine. J'ai été blessé à la jambe et à la joue dans la célèbre bataille de l'Ebre. Puis j'ai participé à la relève des Brigades internationales à Tortosa. En février 1939, j'ai pris la route de l'exil, comme des dizaines de milliers d'autres, en franchissant à pied les Pyrénées sous la neige et le froid pour finir parqué pendant plusieurs mois dans une baraque avec 250 autres Espagnols, à Agde, dans l'Hérault. Des cousins ont réussi à me faire sortir. J'ai travaillé dans les vignes et, un certain 18 juin 1940, j'ai entendu l'appel du général de Gaulle. Ce jour-là, mes cousines cherchaient une station diffusant la musique à la mode lorsque nous sommes tombés, par hasard, sur Radio Londres. À l'époque, deux possibilités s'offraient à moi : le travail en Allemagne ou le retour forcé en Espagne avec au mieux la prison, au pire l'exécution. J'ai alors choisi de m'engager dans la Légion, à Marseille. Avec quinze autres Espagnols, nous avons été expédiés à Oran puis au Maroc avec une seule idée en tête : rejoindre les alliés. Plus tard, lorsque l'occasion s'est présentée, j'ai déserté pour rejoindre Leclerc. Un voyage de deux mille kilomètres à pied, en camion, en chameau. J'étais jeune et costaud !

Ce 24 août 2004, qu'allez-vous faire ?

Luis Royo-Ibanez. Le souvenir de mes copains du Half-Track " Madrid ", depuis soixante ans, ne m'a jamais quitté. Je vais penser très fort à eux. Et j'aimerais leur dire : combien nous étions heureux de libérer Paris, de vaincre les nazis ! Combien nous étions malheureux que le combat s'arrête aux portes des Pyrénées, permettant ainsi à Franco de se maintenir au pouvoir pendant plus de trente ans ! J'aimerais leur dire aussi : notre rôle dans les combats de la Libération a été passé, presque, sous silence. Ce 24 août 2004, enfin, une cérémonie d'hommage aux républicains espagnols engagés dans la 2e DB aura lieu à Paris. J'y serais.

Entretien réalisé par José Fort

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23 août 2013 5 23 /08 /août /2013 08:24

Mercredi, Bradley Manning a été condamné à 35 ans de prison pour espionnage au détriment des Etats-Unis. Alors que son avocat a annoncé qu’il allait déposer un recours en grâce, le soldat a rédigé une lettre à Barack Obama. Voici la traduction intégrale de son texte.

La décision que j’ai prise en 2010 est le fruit d’une inquiétude pour mon pays et pour le monde dans lequel nous vivons. Depuis les événements tragiques du 11 Septembre, notre pays est en guerre. Nous sommes en guerre contre un ennemi qui a fait le choix de ne pas nous affronter sur un champ de bataille classique. A cause de cela, nous avons dû adapter nos méthodes pour combattre ces menaces faites à notre mode de vie et à nous-mêmes.

Au début, j’étais en accord avec ces méthodes et j’ai choisi d’aider mon pays à se défendre. Ce n’est qu’une fois en Irak, lorsqu’au j’ai eu accès quotidiennement à des rapports militaires secrets, que j’ai commencé à m’interroger sur la moralité de ce que nous faisions. C’est à ce moment que j’ai pris conscience que dans notre effort pour contrer la menace ennemie, nous avions mis de côté notre humanité. En toute conscience, nous avons choisi de dévaluer le coût de la vie humaine en Irak et en Afghanistan. En combattant ceux que nous percevions comme nos ennemis, nous avons parfois tué des civils innocents. Chaque fois que nous avons tué des civils innocents, au lieu d’en assumer la responsabilité, nous avons décidé de nous retrancher derrière le voile de la sécurité nationale et des informations classifiées afin de ne pas avoir à rendre de comptes publiquement.

Dans notre zèle pour tuer l’ennemi, nous avons eu des débats en interne sur la définition du mot “torture”. Pendant des années, nous avons détenu des individus à Guantanamo sans respecter aucun procédure régulière. Nous avons fermé les yeux sur la torture et les exécutions perpétrées par le gouvernement irakien. Et nous avons laissé passer nombre d’autres actes au nom de notre guerre contre la terreur.

Le patriotisme est souvent invoqué quand des actes moralement douteux sont préconisés par des dirigeants. Quand ces appels au patriotisme prennent le dessus sur les interrogations légitimes, c’est généralement au soldat américain que revient la charge de mener à bien des missions immorales.

Notre nation a déjà traversé ce genre de troubles au nom de la démocratie : la Piste des larmes, l’affaire Dred Scott, le Maccarthysme, Internement des Japonais-américains pour n’en citer que quelques-uns. Je suis convaincu que la plupart des actions menées depuis le 11 Septembre seront un jour perçues de la même manière.

Comme le disait feu Howard Zinn, “Aucun drapeau n’est assez large pour couvrir la honte d’avoir tué des innocents.”

Je sais que j’ai violé la loi. Si mes actions ont nui à quelqu’un ou aux Etats-Unis, je le regrette. Il n’a jamais été dans mes intentions de nuire à qui que ce soit. Je voulais seulement aider. Quand j’ai décidé de révéler des informations classifiées, je l’ai fait par amour pour mon pays, avec un sens du devoir envers autrui.

Si vous refusez ma demande de grâce, je purgerai ma peine en sachant qu’il faut parfois payer un lourd tribut pour vivre dans une société libre. Je serai heureux d’en payer le prix si, en échange, nous pouvons vivre dans un pays basé sur la liberté et qui défend l’idée que tous les hommes et les femmes naissent égaux.

Bradley Manning, le 21 août 2013

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22 août 2013 4 22 /08 /août /2013 15:28

Une liberté fondamentale – le droit à l’information honnête et pluraliste – va être une nouvelle fois mise à mal à la rentrée par les principaux médias français. Un système spécieux se met en place avec la complicité de la droite, du gouvernement socialiste, du patronat et des puissances de l’argent. Les représentants des organes de presse dépendant de Lagardère, Dassault, Berger et quelques autres vont rafler tous les postes de chroniqueurs sur les radios et les télévisions privées et publiques. Le Nouvel Obs, le Point, l’Express, le Figaro, le Figaro Magazine, Valeurs actuelles etc.… auront table ouverte avec pour caution de gauche « Marianne » et "Médiatpart". Vous retrouverez les mêmes Barbier, Joffrin, Domenach, Plewnel... Avec des petits nouveaux : l’ancienne patronne du Medef, Laurence Parisot et l’actionnaire du « Monde » Pierre Berger. Même démarche avec les journalistes spécialisés dans le cinéma, le théâtre et la littérature. Quant à la presse de gauche, la vraie gauche, comme « l’Humanité » ou « Politis », rien, nada. Elle n’existe pas.

Ainsi va la liberté de l’information dont se gaussent les personnes citées plus haut. L’affaire n’est pas nouvelle. Mais attention : nous sommes entrés dans un nouveau temps : celui de la dictature médiatique.

José Fort

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20 août 2013 2 20 /08 /août /2013 13:14

Selon les derniers documents "déclassés" de la CIA, la puissante centrale yankee a participé au renversement du gouvernement progressiste iranien dans les années 1950. Pourquoi ne pas publier la liste de tous les pays "déstabilisés" à ce moment là? Le Guatemala, par exemple. Ce qui permettrait de mieux comprendre les évolutions du monde en cette période historique. Cuba en connaît un rayon. Savez-vous que la CIA agit toujours et partout. Exemple: l'actuel chef-résident à Paris. Oui, oui, en 2013. Serait-il trop demander au ministre de l'Intérieur, M. Valls, de communiquer son nom, celui de ses agents en poste actuellement et nous préciser parmi leurs nombreuses fonctions actuelles le sens de leur action. Dans les partis politiques ( nombreuses réunions avec le PS), avec les syndicats ( nombreuses réunions avec la CFDT) avec des médias et aussi des organisations proches, dit-on, des " milieux de l'immigration" et des "quartiers sensibles".

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11 août 2013 7 11 /08 /août /2013 15:35

La violence de certains propos lus sur les réseaux sociaux visant particulièrement le PCF me rappellent une réalité qui ne date pas d’hier : les défroqués ont toujours existé, une espèce aux origines diverses mais pratiquant toujours de la même manière.

Les curés défroqués se convertissent en adversaires irréductibles de l’Eglise ; les anciens leaders étudiants de 1968 ont tous ou presque versés dans la finance, les médias et l’édition ; les ex-staliniens gardiens un temps de l’orthodoxie communiste ont rejoint la social-démocratie ou la droite commerciale. Désormais, c’est au tour des anciens socialistes reconvertis dans le gauchisme de distribuer les bons et les mauvais points. Et on va nous demander à nous, rester fidèles à nos engagements de toujours, de suivre non pas leurs conseils mais leurs directives. A moins d’être maso…….

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27 juillet 2013 6 27 /07 /juillet /2013 15:46

Turquie, Brésil, Italie, Espagne, Portugal, Chili, Chine… La liste des pays connaissant des mouvements revendicatifs et sociaux ne cesse de s’allonger. Des foules dans les rues souvent hors des structures politiques et syndicales traditionnelles.

Partout les mêmes images de millions de personnes réclamant plus de liberté, de meilleures conditions de vie et s’exprimant dans des lieux symboliques comme les places des capitales. Souvent des scènes de violence – très limitées au Brésil – face à des foules composées en grande majorité de jeunes demandant le partage du gâteau.

Trois premières constatations : ce fantastique mouvement traversant le monde entier intéresse aussi les moins jeunes, les retraités et particulièrement ceux de la CGT qui ont fait de l’intergénérationnel un investissement permanent ; alors que beaucoup annonçaient ou espéraient une dépolitisation, la protestation se globalise ; les citoyens et surtout les jeunes se mobilisent hors des cadres politiques et syndicaux traditionnels. De quoi inviter à la réflexion et pourquoi pas à une remise en question.

L’accusation ne s’exprime pas nettement. Pourtant, le capitalisme consciemment ou non, est en ligne de mire de la plupart des manifestants. Les effets dévastateurs de ce système à bout de souffle comme le chômage de masse, le pouvoir d’achat, le droit au travail, la remise en cause des conquêtes sociales, des libertés individuelles et collectives provoquent la colère – parfois la haine - et le discrédit des organisations internationales comme le FMI, la BCE, la Banque Mondiale. Plus grave est la tendance au déni de confiance généralisé mêlant parfois dans le même sac les forces de l’exploitation et celles de la lutte émancipatrice. La confusion idéologique fait des ravages, y compris dans les milieux populaires autrefois engagés.

Les mouvements en cours ne s’inscrivent pas dans l’action traditionnelle. « Les ruptures exprimées ne suivent pas », affirme Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l’université de Paris 1 la Sorbonne, « les lignes de séparation des échiquiers politiques ou sociaux. On intègre, on réunit des différences, parfois très puissamment opposées. » Et de conclure : « A nouvelle ère économique, nouvelle ère institutionnelle, politique et citoyenne. Tous les signaux sont au rouge, chez nous aussi. Le temps est à l’invention politique. »

Le temps est aussi à l’invention syndicale dans son rapport avec les jeunes en premier lieu, mais pas seulement. Les temps ont aussi changé pour les plus âgés et pour les retraités. On ne vit pas sa troisième partie de vie en 2013 comme il y a vingt ans. Les formes de lutte, les choix d’activités, de loisirs, de relations avec la société ont changé. Difficile de digérer ces changements, de renverser les habitudes mais refuser ces modifications reviendrait in fine à tourner le dos à l’action révolutionnaire de notre temps.

Il ne faut pas se raconter d’histoires. Ces modifications rencontrent dans le monde entier des incompréhensions considérables parmi les structures traditionnelles. Deux exemples : en Turquie, après les manifestations de masse durement réprimées, la grève générale décidée par les syndicats s’est soldée par un fiasco ; au Brésil, les forces progressistes qui ont efficacement agi contre la misère et les inégalités sont contestées sur des questions sociales comme les transports, l’éducation et la santé et aussi sur la corruption qui gangrène jusqu’aux allées du pouvoir.

Il ne faut pas craindre les changements. Ils sont porteurs d’espoir.

José Fort

Vie Nouvelle août 2013.

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25 juillet 2013 4 25 /07 /juillet /2013 16:48

Un article publié dans lHumanité Dimanche du 25 juillet

« Paix en Algérie », criaient les terminales membres de la jeunesse communiste devant l’entrée du lycée Jacques Decour à Paris. Nous, les petits, assistions de loin aux distributions de tracts, aux bagarres avec les factieux de l’extrême droite. J’avais entendu à la maison les noms d’Alban Lietchi qui avait refusé de faire la guerre au peuple algérien, celui de Claude Lecomte, emprisonné en Algérie pour activité communiste dans l’armée. Je voyais les grands frères partir sac sur le dos mais pas la fleur au fusil et ceux qui comme Jacques Maire, le fils de la première adjointe communiste de la ville de Montreuil, Adrienne, étaient emprisonnés parce que s’opposant à la guerre coloniale.

La plupart des plus jeunes du lycée entendaient parler de la guerre d’Algérie chez eux ou à la radio. Sans bien comprendre. Mais nous éprouvions pour les grands qui faisaient le coup de poing à l’entrée du lycée une admiration sans borne. Un jour, un baraqué de terminale vendait un petit bouquin. Je m’approchais et découvrais le livre d’Henri Alleg « La Question ». Je voulais un exemplaire. « T’as les sous », me demanda le gaillard. « Donnes lui », lança mon prof de maths, Maurice Loi, sortant de sa poche un billet avant d’entrer dans le bahut. C’est à ce moment précis que date ma première rencontre avec Henri Alleg.

Je savais que la France faisait la guerre en Algérie. Je découvrais en lisant d’une traite dans le métro du retour et à la maison « La Question » que la guerre d’Algérie était une guerre coloniale et que la torture était une pratique quotidienne de l’armée française. Plus tard, j’en saurais un peu plus. « L’Humanité » avait tenté de publier les révélations de Henri Alleg dans son édition du 30 juillet 1957 mais avait été censuré. Son témoignage avait franchi les murs de la prison sur des minuscules papiers pliés et remis à son avocat Me Léo Matarasso. C’est au printemps 1958 que Jérôme Lindon accepta de publier le texte aux éditions de « Minuit ». Aussitôt interdit. Deux semaines plus tard, à Genève, Nils Anderson édita « La Question ». 150.000 exemplaires passèrent clandestinement la frontière. J’en avais un entre les mains. Le livre sera traduit en plus de vingt langues et adapté au cinéma. Un événement.

Je voulais en savoir plus sur Henri Alleg. Il se trouve que deux de mes professeurs étaient communistes. Ils faisaient preuve d’une grande prudence menacés par une administration rétrograde et franchement colonialiste. A quelques uns d’entre nous, demandeurs d’informations, ils parlèrent d’Henri, de sa vie, de ses combats. Du petit parisien, fils de tailleur, né à Londres dans une famille de juifs russes et polonais ayant fui les pogroms. Du jeune Harry Salem débarquant à Alger alors que le fascisme s’étendait sur toute l’Europe. De ce jeune choisissant des copains aux prénoms arabes, refusant la société de l’apartheid, adhérant à la jeunesse communiste avant de rejoindre le Parti communiste algérien (PCA). De celui qui devint en 1951 directeur d’ « Alger Républicain », le seul journal libre de l’emprise des colons se prononçant franchement pour l’indépendance et interdit en 1955. Henri aimait répéter la formule utilisée par le journal après les saisies à répétition : « Alger républicain dit la vérité, rien que la vérité, mais ne peut pas dire toute la vérité ».

Ma deuxième rencontre avec Henri Alleg remonte plusieurs années plus tard à « l’Humanité » dont il était secrétaire général de la rédaction. Roland Leroy, alors directeur de « l’Huma », prenait soin de s’entourer aux postes clés du journal de femmes et d’hommes de convictions et de compétences. Il y avait là le légendaire et brillant René Andrieu mais aussi l’infatigable Marie-Rose Pineau, le très sérieux Georges Chirio et Henri Alleg au palmarès de clandestin anticolonialiste impressionnant : arrêté le 12 juin 1957, alors qu’il se rendait au domicile de son ami le mathématicien Maurice Audin assassiné par les hommes de Massu et de Bigeard ; torturé par les paras ; condamné à dix ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » ; évasion de la prison de Rennes avec la complicité de Gilberte, sa compagne de toute une vie. Pour le jeune journaliste que j’étais, Henri Alleg symbolisait le courage, l’engagement contre le racisme et toutes les injustices. Lorsqu’il me recevait pour mettre au point l’organisation d’un reportage, j’avais en face de moi un homme plus que courtois, exquis. L’inverse de ceux qui manifestent par l’arrogance les combats qu’ils n’ont jamais menés. Henri Alleg a fait son boulot de secrétaire général de la rédaction. Ne lui avait-on pas un peu forcé la main ? Alleg, c’était d’abord un journaliste de terrain, un commentateur politique. Un homme de plume comme il l’avait démontré à « Alger Républicain » et confirmé plus tard en signant des articles dans « l’Humanité » et en écrivant plusieurs livres enquête traitant des Etats-Unis, de l’URSS…

Ma troisième rencontre avec Henri Alleg a eu lieu aux Etats-Unis. Il préparait un ouvrage en sillonnant le pays. Moi, j’étais en reportage pour « l’Humanité » à l’occasion du voyage dit « historique » de Mickail Gorbatchev et sa rencontre avec Ronald Reagan. Je venais de rentrer à l’hôtel, lorsque le téléphone sonna. Immédiatement, je reconnus sa voix. « J’ai appris que tu étais à New York avant de rejoindre Washington dans quelques jours. Et si tu précipitais ton arrivée. J’ai des gens à te faire rencontrer ». Le lendemain à la première heure je prenais la navette pour la capitale des Etats-Unis. Henri travaillait dans sa chambre, des papiers dispersés sur son lit, sur la table, à même le sol. Nous avons passé des heures à parler. Il racontait son voyage, formulait des appréciations, s’inquiétait de mon reportage. Lorsque nous sommes allés dîner, me sentant en confiance, je l’interrogeais sur les lendemains de l’indépendance et son retour à Alger pour redémarrer « Alger républicain ». « Je l’ai échappé belle », glissait-il souhaitant visiblement passer à autre chose. Ce fut un moment dangereux pour Henri Alleg. Lui et ses camarades persécutés par l’autorité coloniale étaient agressés, menacés de mort, par le nouveau pouvoir. Après le coup d’Etat de 1965, il a dû prendre la fuite, les nouveaux tortionnaires voulant faire de lui à Paris « un nouveau Ben Barka ».

Qui donc Henri Alleg voulait-il me faire rencontrer à Washington ? Des universitaires réunis dans la maison d’un recteur noir. Première séquence : l’auteur de « La Question » a répondu aux questions de ses hôtes. Deuxième, et comme pour payer sa prestation, tous les participants ont dû satisfaire aux interrogations de l’enquêteur venu de France sur l’enseignement supérieur, le racisme, la situation économique et politique aux Etats-Unis. « Ne fumes surtout pas dans la maison », m’avait-il prévenu. Une fois la soirée terminée et dans la rue, en manque, je sortais mon paquet de cigarettes sous les quolibets et même des injures. « Tu vois, c’est aussi le pays de l’intolérance », me dit-il. Le recteur noir nous accompagna jusqu'au bout de sa rue donnant sur une grande avenue pour héler un taxi et se réfugia derrière un arbre en nous lançant un chaleureux « good bye ». Il se cachait car les taxis ne s’arrêtaient pas lorsqu’ils apercevaient un noir. « Tu vois, c’est toujours le pays du racisme », s’exclama Henri.

Henri Alleg nous a quittés la semaine dernière après une vie bien remplie. Un homme droit, un militant communiste courageux, un journaliste de talent. Un ami.

José Fort

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24 juillet 2013 3 24 /07 /juillet /2013 13:39

On vous le dit et le répète sur tous les tons : François est un pape humble, près des pauvres. Ses prédécesseurs ne l’étaient-ils donc pas autant ?

François arrive au Brésil en séducteur. Premiers visés, les journalistes. Dans l’avion papal, ils ont pu se faire tirer le portrait chacun à leur tour avec le patron du Vatican avant de lui tendre cérémonieusement micros et caméras. On a fait copain-copain pour, si Dieu prête vie au pape et on le lui souhaite, passer un moment ensemble sur cette bonne vieille terre. Avec une surprenante révélation aérienne en prime : le pape souhaite que l’on préserve des difficultés de la vie les jeunes et les vieux. Question : que fait-on des autres ?

Le second déplacement papal se situe en Amérique du sud à l’occasion du sympathique rassemblement des jeunes catholiques venus du monde entier. Il était temps. L’Eglise et le Vatican connaissent des moments difficiles : églises désertées, vocations en berne, désertions des ouailles vers d’autres églises-sectes, scandales à profusion notamment au chapitre de la pédophilie, détournement d’argent mettant en cause la banque papale et des évêques… François monte au front. Il y a danger dans la maison Eglise. Ce jésuite de première main, expert en matière de compromis, hier avec la dictature argentine, aujourd’hui sur des thème sociaux n’est pas à prendre à la légère : il s’agit d’un homme politique de haut vol.

Une autre donnée est à prendre en compte : l’Amérique du sud, terre de prédilection de l’Eglise. Voilà que les multiples voyages de Jean-Paul II sur ces terres n’ont pas réussi à contenir l’éclosion d’églises de rechange et surtout l’arrivée au pouvoir dans plusieurs pays de régimes dits progressistes contestant la main mise nord-américaine et reprenant à leur compte les principes essentiels de la théologie de la libération. De quoi provoquer des crises d’urticaire dans certains cercles du Vatican. Les chaleureuses rencontres mondiales au Brésil des jeunes catholiques seront marquées par la solidarité et l’amour de l’autre. Quant au pape (76ans), au repos pendant 24 heures, il a commencé sa mission : tenter de reprendre la main dans cette région du monde autrefois réserve de l’Eglise.

José Fort

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