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26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 12:44

Je vous le dis tout net : je n’ai aucun compte à régler avec l’enseigne Nicolas.  J’ai même été plusieurs fois agréablement accueilli dans un de ses magasins afin d’acheter des bonnes bouteilles pour une consommation personnelle ou pour des cadeaux avant d’aller dîner chez des amis.  Cette maison qui fête son 190 eme anniversaire, née un an après la mort de Napoléon 1er, appartenant depuis 1988 au groupe Castel  Neptune a toujours pratiqué une communication publicitaire dynamique et sympathique.

Les premiers dessins animés en 1921, les grands affichistes entre les deux guerres comme Iribe et Brunhoff, les peintres célèbres comme Buffet ou Van Dougen, les pubs dans le métro et sur les murs, c’est Nicolas. Sans oublier le personnage-symbole Nectar, le livreur aux 32 bouteilles. Rien à voir avec Gévéor et son « velours de l’estomac ».

Mon enthousiasme non alcoolisé vient d’en prendre un sérieux coup. L’enseigne diffuse actuellement à 50.000 exemplaires des bons de réduction sur lesquels figurent sur une enveloppe le portrait du dictateur Franco, ce général félon proche d’Hitler et de Mussolini, ce despote qui pendant près de quarante ans martyrisa le peuple espagnol, torturant, fusillant, emprisonnant des centaines de milliers de démocrates de toutes tendances politiques et  origines sociales. L’enseigne se défend en affirmant que le visuel  a été acheté à une banque d’images et que la petite dimension du document ne l’oblige pas à envoyer au pilon les fameux bons de réduction. Dans ces conditions, pourquoi ne pas illustrer la prochaine campagne publicitaire avec des photos de Pinochet et d’Amin Dada ?

Il est possible que l’inculture crasse régnant souvent dans les boîtes de com soit une explication. Mais la désinvolture de la réponse des responsables de Nicolas me fait douter : et si, dans un grand bureau et dans une petite tête, avait germé l’idée de ressusciter le tyran ?

José Fort

L’Humanité Cactus

 

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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 11:38

 

« Selon que vous serez puissant ou misérable ». On connaît la fable de Jean de Lafontaine. Il avait vu juste en son temps et cette phrase, d’apparence anodine, trouve dans les événements récents de sinistres échos. Tenez, par exemple, le traitement de Sandy.

Pendant plus de deux semaines, l’ouragan a dévasté des régions entières  d’Haïti et de Cuba avant de s’abattre sur New York et plusieurs Etats US. Les grands médias européens, particulièrement français, ont réservé  l’essentiel de leur temps d’antenne et de lignes imprimées aux retombées du déluge d’eau et de vents sur les Etats-Unis laissant volontairement de côté les deux premiers pays cités.

La discrétion sur Haïti, légèrement modifiée ces derniers jours, s’explique aisément : l’ouragan a ajouté un peu plus de misère à l’effroyable dénuement. Un million d’habitants totalement abandonnés et menacés de famine dans un pays ravagé qui attend toujours l’argent de la solidarité internationale recueillie après le tremblement de terre de 2010, cela n’intéresse pas le cynique rouleau compresseur médiatique.

Le silence entretenu sur les effets de Sandy à Cuba mérite une autre explication : la peur de dire la vérité. Face à la désespérante situation en Haïti, un des pays les plus pauvres du monde où travaillent des centaines de médecins cubains et à l’incapacité de la plus grande puissance économique mondiale de limiter les dégâts, Cuba apparaît comme un pays  capable d’organiser la prévention (55.000 personnes évacuées) puis le retour à la vie  en comptant sur ses propres forces dans le calme et la solidarité. Santiago de Cuba dévasté, des champs entiers de canne à sucre et d’autres cultures anéantis, des milliers d’habitations détruites mais pas d’alerte à la famine, pas de foules désespérées. Les « dissidents » officiels ayant disparu des radars, Cuba ne fait pas recette et Sandy semble nous dire que lors du passage d’un ouragan mieux vaut être Cubain que new-yorkais ou haïtien.

José Fort   

L’Humanité Cactus 8/11 

 

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5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 19:42

 

Ce texte non signé m'a été adressé par un ami.


Des hommes qui excluent les femmes de leur rang se sont réunis à Lourdes sous la figure tutélaire de Bernadette-qu’a-vu-la-Vierge. Des histoires de bonnes femmes ? Enfin y croit qui veut. Pourtant ces messieurs à la longue robe, ayant fait vœu de célibat mais pas de chasteté, optent de façon inquisitoriale contre le mariage républicain entre homosexuels. Comme s’ils étaient de droit divin propriétaires du mariage. Le dieu auquel ils se réfèrent aurait envoyé un fils né de père inconnu via une mère porteuse de la volonté divine en chair et en os.

Voilà qui leur donnerait des droits particuliers, dont celui d’intervenir dans les affaires de la République. Eux et eux seuls savent ce qu’est l’humain au prétexte qu’ils tutoient Dieu, son fils et le saint esprit. Eux et eux seuls connaissent le mystère de la création, et rappellent que Dieu a fait sortir la femme du corps de l’homme. Comment cet homme qui accouche pourrait être homosexuel, comme la femme qui naît de la côte de l’homme pourrait être gay ?

Pour faire bonne mesure, nos évêques se retranchent derrière le grand rabbin du pays et les institutions du culte musulman pour montrer la soudaine unité des religions du Livre contre l’homosexualité. Pardonnent-ils soudain aux Juifs d’avoir livré le Christ et aux Musulmans de leur piquer leur fonds de commerce ?

Ces évêques, nommés conjointement par le Vatican et le préfet de la République, savent. Ils ne bougent pas pour défendre les très chrétiens Roms, pas plus pour les salariés licenciés. Ou si peu. Mais il leur apparaît diabolique que deux êtres du même sexe qui s’aiment convolent en justes noces, ne serait-ce que pour protéger leurs enfants par un contrat républicain. Non, disent-ils, nous, inspirés des saintes écritures, oints des saintes huiles et du saint chrême, nous refusons tout mariage gay, parce que le mariage est une marque déposée sous le sceau du Christ Roi, hétérosexuel notoire.

Qu’ils redescendent dans leurs cryptes humides pour y chuchoter en latin leur dialectique dogmatique. Qu’ils laissent la République progresser vers cette loi laïque sur le mariage entre homosexuels. Mariez-les tous, Dieu y reconnaîtra les siens.

 

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25 octobre 2012 4 25 /10 /octobre /2012 16:16

« Vous les femmes, vous le charme

« Vous les anges, adorables 

Lorsque Julio Iglesias est entré sur scène et a démarré sa célèbre chanson l’autre soir au Palais des Congrès de Malabo, la capitale de la Guinée équatoriale, « les spectateurs  étaient émus aux larmes », commentait dans le papier du lendemain le journaliste de service. Il y avait là le gratin du régime et leurs épouses ainsi que les premières dames du Ghana et du Zimbabwe applaudissant à  tout rompre le crooner américano-espagnol limitant désormais ses sorties à des prestations payées à prix d’or. En Ouzbékistan, par exemple, à l’invitation de la fille du potentat local.

C’est au fils du dictateur équato-guinéen, un voyou de haut vol recherché  par la justice française surnommé « Téodorin »  à qui l’on doit cette soirée réservée aux proches de son père à 750 euros la place. Les pouilleux sont restés dehors.  Ils ont l’habitude dans ce pays de cocagne où les immenses richesses sont accaparées par une poignée de rapaces. Troisième producteur de pétrole subsaharien et base opérationnelle des trafiquants de drogue, la Guinée équatoriale ancienne colonie espagnole tente de survivre malgré le pillage et les crimes commis par une des dictatures les plus sanglantes du monde. La presse locale note que les représentants de plusieurs ambassades avaient fait le détour pour assister au tour de chant de l’américano-espagnol. Des membres de la mission diplomatique française avaient-ils répondu à l’invitation ?

Les stars vieillissantes, pathétiques souvent, ont bien du mal à remplir les salles et à boucler leurs fins de mois. Johnny brade au dernier moment les billets, d’autres s’encanaillent  dans des croisières. Tristes fins de vie artistique, mais rien de scandaleux. Julio, lui, a des ambitions d’une autre envergure : faire le maximum de fric quitte à taper dans la caisse des dictateurs. « Faut bien vivre en ces temps de crise », a-t-il lâché en quittant Malabo.

 

 José Fort

L’Humanité Cactus 25 octobre

 

 

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18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 11:03

 

En prenant le chemin des conférences grassement rémunérées, Nicolas Sarkozy entre dans le club des anciens chefs d’Etat et de gouvernement à la recherche de pognon, de fric, de biftons. On comprendra aisément que l’ex-président français ne souhaite pas vivre la même morne existence que celle d’une moule sur un rocher – fût-ce au Cap Nègre - et qu’il aspire à mieux. On aurait pu espérer, n’étant pas menacé par la crise économique, qu’il mette son expérience, par exemple, au service d’une cause humanitaire. Plus prosaïquement, à  New York l’autre jour devant des banquiers, Sarkozy s’est affiché comme l’homme des talbins.

Les membres de sa nouvelle confrérie lui ont tracé le chemin. Au top, Tony Blair, rapace hors norme. Il rafle des millions de dollars préférant les conférences à sa mission officielle au Proche-Orient, les Palestiniens l’invitant désormais à rester chez lui. Au bas de l’échelle, Mickaël Gorbatchev tente de survivre avec sa fondation déclinante. Au milieu, on se bouscule avec notamment l’ancien chancelier social démocrate allemand, Gerhard Schröder pantouflant chez le russe Gazprom ; l’ex-président du gouvernement espagnol, enfant du franquisme, José Maria Aznar, membre de plusieurs conseils d’administration avec une prédilection pour la société US des médias New Corps ; son compatriote socialiste et enfant de républicain, José Luis Zapatero navigue en Amérique latine notamment au Venezuela tous frais payés par les riches opposants à Chavez.  Dans le groupe émerge aussi le très pieux ancien électricien polonais, Lech Walesa, toujours prêt à dispenser un cours sur l’Europe et à commenter l’actualité contre monnaie trébuchante.

La confrérie a hésité un moment à accueillir chaleureusement le nouvel arrivant craignant une concurrence déloyale.  Elle est aujourd’hui rassurée. Selon un des participants à la petite sauterie new yorkaise, Nicolas Sarkozy n’a pas fait mieux que George Bush au mieux de sa forme.

José Fort

L’Humanité Cactus 18 octobre

 

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11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 11:29

 

Ils ont tout dit sur Hugo Chavez. Un «dictateur », un « populiste », une « marionnette cubaine ». Bref, un chef d’Etat peu fréquentable dont les Vénézuéliens allaient se débarrasser sans coup férir. L’affaire était dans le sac. Et voilà que  Chavez remporte confortablement l’élection  présidentielle avec un score à faire pâlir de jalousie les présidents occidentaux  à l’issue d’un scrutin à participation record.

Hugo Chavez a surmonté une tentative de coup d’Etat, une séquestration, le sabotage économique, des coups tordus à la pelle. Il est sorti vainqueur de trois élections présidentielles et d’un référendum révocatoire. Rien que çà. Chavez réélu à la régulière  provoque de l’urticaire dans les cercles comme on dit «avertis ». En vérité, c’est la politique de Chavez qui entraîne hystérie et haine celle qui, par exemple, consacre l’essentiel de la manne pétrolière au logement, à l’éducation, à la santé et à la coopération régionale au grand dam des multinationales US et de l’oligarchie locale.

Voici Chavez  aux manettes pour six ans alors que ses principaux ennemis ont sombré dans  la disgrâce.  L’ancien président colombien, le pervers Alvaro Uribe, aux liens connus avec les para militaires, suit un traitement psychiatrique  depuis le rétablissement des relations diplomatiques et économiques entre Bogota et Caracas et alors que s’ouvrent des négociations avec les FARC. Le sinistre et ancien alcoolique George W. Bush  responsable de tant de coups foireux contre Chavez verse à nouveau, dit-on, dans la bouteille et restera dans l’histoire comme le pire président nord-américain.  Le roi d’Espagne qui avait voulu faire taire Chavez lors d’un sommet ibéro-latino américain encombre l’actualité espagnole avec son retour d’accident de chasse en Afrique payé par les contribuables, les frasques de sa famille et les détournements de fonds publics de son gendre.  La chance ne sourit pas aux ennemis de Chavez.

 

L'Humanité cactus. 11/10 

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5 octobre 2012 5 05 /10 /octobre /2012 07:42

 

Branle bas de combat à la fin de la semaine dernière au siège de Procter§Gamble à Cincinnati dans l’Ohio aux Etats-Unis, une multinationale spécialisée dans les biens de consommation, notamment les couches- culottes. Une dépêche d’agence vient d’annoncer une explosion sur le site d'une importante usine de production de polymères à Himeji, dans l'ouest du Japon. L'entreprise nippone dispose  d’une part de marché mondiale de 20 % dans les polymères hyper absorbants qui entrent dans la composition des couches – un matériau de synthèse supplantant leurs équivalents naturels, telles les éponges, grâce à des propriétés d’absorption de l’eau, et sa production pourrait être durement obérée par l'accident alors qu’elle se préparait à une augmentation de ses livraisons pour faire face à la hausse de la demande chinoise.

A Cincinnati, on ne cache pas sa joie. Les Japonais raflaient le marché chinois d’un peu plus de 17 millions de naissances par an. Rien que pour la ville de Shanghaï, 50% des bébés portent des couches 24 heures sur 24, 90% la nuit. A 1 yan la couche, les Japonais s’en mettaient plein les poches. A Cincinnati, on affirme que  c’est un juste retour des choses, la  couche-culotte jetable ayant été inventée dans les années 1950 par un ingénieur de P§G, un certain Victor Mills qui pourrait bientôt bénéficier d’une statue érigée par les mères reconnaissantes.

P§G a fixé un nouveau prix de lancement  à 0,7 yuan et les experts précisent que les bébés chinois ne sont pas les seuls clients potentiels, les vieillards incontinents de ce pays se chiffrant aussi par millions.

La guerre américano-japonaise de la couche-culotte n’aura pas lieu faute de combattants nippons. Mais une question taraude la presse japonaise : l’explosion   de l’usine de Himeji est-elle seulement la conséquence d’un court-circuit ?

José Fort

L’Humanité Cactus 4 octobre 

 

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27 septembre 2012 4 27 /09 /septembre /2012 16:23

 

 

Deux événements ont marqué ces derniers jours la campagne électorale nord-américaine: un jeu à boire et le mouvement déclenché par les moustachus.

Le jeu à boire est lancé dès que Barack Obama parle en public. Chaque fois que le président sortant prononce des mots ou expressions définis à l’avance, les joueurs peuvent boire une, deux gorgées d’un liquide alcoolisé, parfois plus. Cette année, pour boire cul sec, les mots prononcés  doivent être : « changement», «chômage»,«retraite» et «santé». Si  Obama déclare: «Je suis très clair» ou «ne vous méprenez pas », les joueurs ne boivent qu’une gorgée de leur verre.

Au lendemain de leur première soirée arrosée, des étudiants ont annoncé solennellement qu’ils rejoignaient les moustachus américains mobilisés pour des réductions d'impôts. Selon le très honorable Institut américain de la Moustache (AMI, 20.000 adhérents revendiqués), une baisse fiscale de 250 dollars s’impose pour « frais d'entretien de moustache » (cire, teintures, brosses spécialisées). L’Association estime que le « mépris » de l’Administration à leur égard relève d’une « vraie discrimination contre les moustachus et barbus dans l'histoire américaine ». « Gouvernement et pilosité n'ont pas souvent fait bon ménage » aux Etats-Unis, affirme l’association, précisant qu’il n'y a jamais eu que neuf présidents (sur 43) américains barbus ou moustachus et aucun depuis William Taft (1909-1913) alors que les élus aujourd'hui, barbus ou moustachus, ne sont que 34 à la Chambre des représentants et un seul au Sénat.

A part cela quoi de neuf dans la campagne électorale US ? Obama aurait pris la tête des sondages malgré le désamour d’une partie des couches moyennes tandis que le mormon Romney  affiche à longueur de spots télévisés sa feuille d’imposition. J’oubliais, mais c’est bien entendu un détail par rapport aux informations de première importance citées plus haut, que près de 50% des électeurs nord-américains affirment qu’ils n’iront pas voter.

 

 

 

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21 septembre 2012 5 21 /09 /septembre /2012 10:50

 

La femme la plus riche du monde, Gina Rinehart (24 milliards d’euros à la louche), surnommé «La Princesse de Pilbara» en Australie, en référence à sa région d’origine, ou encore « la Dame de fer » son modèle affirmé étant l’ancienne première ministre britannique, Margaret Thatcher, mérite le détour. Vous avez peut-être entendu ou lu sa dernière sortie médiatique à l’adresse du bas peuple : « Ne restez pas assis à vous plaindre. Passez moins de temps à boire, à fumer et à socialiser, travaillez plus… »

Gina, cinquante huit ans, est une  femme à poigne, ses collaborateurs payant cher la moindre incartade, l’un d’entre eux ayant même été raccompagné jusqu’à la sortie des bureaux sous une pluie de gifles et de noms d’oiseau à faire pâlir la bonne société. Elle a hérité d’une mine de fer de son père et dirige actuellement la société  d'extraction de fer Hancock Prospecting. L’Australienne accumule une multitude d'adversaires. Les syndicats, les milieux de gauche,  bien entendu. Pas seulement. Parmi ses ennemis actuels figurent notamment son père, son associé, son premier époux, son ex-belle-mère et, depuis peu, trois de ses enfants. La plupart des litiges ont fini devant les tribunaux.

Gina ne limite pas ses activités à la mine. Elle règne sur Channel 10, troisième chaîne de télévision d'Australie. Elle est également la principale actionnaire du deuxième groupe de journaux le plus important, Fairfax Media. Objectif affiché : faire passer un message vantant le « libéralisme » celui qui, dit-elle, « ne s’embarrasse pas de politiques sociales favorisant la paresse ».

La «Princesse de Pilbara» est désormais affublée du titre de « sorcière de Pilbara ». Raison évoquée par plusieurs commentateurs : quelques jours avant la date prévue du transfert de la propriété du groupe minier à ses enfants, Gina a changé l'échéance jusqu'en … 2068, autrement dit lorsque ses rejetons auront entre 80 et 90 ans.

 

José Fort

L’Humanité Cactus. 20 septembre.

 

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20 septembre 2012 4 20 /09 /septembre /2012 10:58

 

« Tous à plat ventre et vite ». Le 23 février 1981, en début de soirée, le colonel fasciste Antonio Tejero venait de pénétrer dans le Congrès des députés à Madrid lorsqu’il lançait depuis la tribune cette menace accompagnée de quelques coups de feu. Santiago Carrillo, le Premier ministre Adolfo Suarez, le ministre de la Défense et des députés communistes  ne bougeaient pas de leurs places. Carrillo allumait une cigarette, fixait le putschiste sans broncher. Il nous dira plus tard : « Je savais que ce fou furieux me réserverait sa première balle. J’avais décidé comme quelques autres de refuser la honte de se coucher devant un tel homme et ce qu’il représentait : la dictature. »

 Santiago Carrillo et l’Espagne en pleine « transition démocratique », après tant d’années de franquisme, allaient surmonter la tentative de coup d’Etat après l’intervention télévisée du roi et alors qu’une colonne de blindés s’avançait sur Madrid. Santiago Carrillo, comme il l’avait démontré durant toute sa vie de combattant républicain, de responsable politique clandestin, était un homme courageux. Il vient de mourir à l’âge de 97 ans à Madrid. Jusqu’à la fin de sa vie, celui qui après avoir été dirigeant des jeunes socialistes, puis militant communiste avant d’occuper la fonction de secrétaire général du parti communiste d’Espagne est resté une personnalité largement respectée et appréciée par ses anciens camarades et aussi par ses adversaires civilisés. Il y a peu encore, Santiago Carrillo assurait des chroniques radio et dans la presse écrite. Avec  la même finesse d’analyse que celle qui a marqué toutes ses activités pendant une vie bien remplie.

Il avait quitté le PCE dans de mauvais termes avec nombre de ses camarades qui le rendaient injustement responsable de la défaite électorale de 1982. Il avait été mis en dehors du parti, sans jamais rompre cependant le lien qui l’unissait au PCE, sans cacher ses différences. Avec le temps, les rancœurs ont laissé place à l’amitié, au fil du temps « Santiago » comme on l’appelait avec tendresse en Espagne est devenu le dernier des vrais combattants antifranquistes,  pas comme ceux de la dernière heure qui occupèrent le pouvoir à partir de 1982.

Santiago était un combattant. Pendant la guerre d’Espagne, durant les longues années de clandestinité, après la mort du dictateur alors que l’Espagne, sur le fil du rasoir, tentait de sortir des ténèbres. Aujourd’hui,  des voix se font entendre pour critiquer la période dite de « transition démocratique » et l’action de Carrillo. Mais dans le contexte d’alors était-il possible d’agir autrement ? En 2012, le devoir de mémoire et la demande d’instauration de la République font vibrer des secteurs entiers mais pas encore majoritaires de la société espagnole. Les temps ont changé, pas ceux qui gouvernent actuellement en Espagne. Ils sont pour beaucoup les petits-enfants des fascistes et franquistes espagnols.

Santiago Carrillo un homme courageux, un combattant mais aussi un politique novateur. Il était avec Enrico Berlinguer et Georges Marchais à l’initiative de l’eurocommunisme.  qui allait agiter le monde communiste. Violemment combattu  par le PC soviétique et alors que, comme le déclarait Enrico Berlinguer,  le socialisme avait perdu  sa « force propulsive », l’eurocommunisme n’était-il pas une piste nouvelle qui aurait pu éviter la décomposition des partis communistes après l’effondrement des pays de l’Est et ouvrir la voie à la construction du socialisme démocratique ? Carillo, Berlinguer, Marchais y ont cru. Jusqu’au déchirement.

Santiago Carrillo aimait la France et les Français. Il portait une amitié particulière au parti communiste français qui a joué, disait-il, « un rôle irremplaçable dans notre lutte clandestine ». En 1996, dans les salons de l’ambassade de France à Madrid, il trinquait avec le colonel Rol-Tanguy et Lise London à la mémoire des Brigades internationales.  Au mois d’octobre 2011, il participait à l’inauguration de la stèle érigée à la mémoire  des Brigades internationales à l’Université de Madrid aux côtés de Cécile Rol-Tanguy et la délégation française de l’ACER.

Santiago Carrillo nous a quittés. « Il est normal à mon âge », disait-il, « que l’heure du départ s’annonce ». Puis, il allumait une éternelle cigarette et ajustait ses lunettes aux verres épais.    

 

José Fort

 

L'Humanité, 20 septembre 2012

 

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